L’amour est-il compatible avec les années qui passent ? Bien sûr que oui ! À condition de tordre le cou à certaines croyances et de cultiver un certain savoir-vivre conjugal. Enquête au pays des couples au long cours. ![]() 1- Passer de la fusion à la raison Le moment le plus tendu ? Les quatre à six ans de vie commune avec un pic de dangerosité à cinq ans. Les plus menacés ? Les diplômés, les tenants de l’union libre, les parents d’enfants ayant atteint l’âge des premiers boutons d’acné (avoir un gamin de moins de 5 ans, c’est 50 % de risque de rupture en moins). Mais aussi ceux dont les parents ont divorcé avant leurs 18 ans. Sans oublier les jeunots qui convolent avant leurs 30 ans. Cela explique peut-être qu’aujourd’hui, les Français, prudents, se marient de plus en plus après une période de cohabitation, vécue comme un premier galop d’essai. Comment expliquer la résistance de ces couples « survivor » qui surmontent toutes les intempéries ? Pour Yvon Dallaire, psychologue canadien, auteur de Qui sont ces couples heureux ? (Livre de Poche) et du Petit Cahier d’exercices des couples heureux (éditions Jouvence), c’est d’abord leur réalisme qui les sauve. Ils ont intégré l’idée que la fusion des débuts (avec les papillons dans le ventre et le cœur qui bat la chamade) ne dure qu’un temps. « Le désenchantement est le premier motif de rupture, rappelle-t-il. Les femmes, car ce sont elles qui demandent le divorce à 80 %, se rendent compte que leur crapaud n’est pas devenu le prince et le roi qu’elles espéraient. » Rester dans la nostalgie de la magie du premier jour est voué à l’échec, comme le confirme Philippe Brenot dans Un jour mon prince… Rencontrer l’amour et le faire durer (Poche Marabout). « La première étape d’un amour durable consiste à faire le deuil de l’image idéalisée de l’amour passion (…). Ce qui ne veut pas dire oublier. (Mais) cette passion va évoluer, se modifier, se transformer pour devenir compatible avec la vraie vie. » D’ailleurs, « il est faux de dire que “l’amour dure trois ans”, concept popularisé par l’écrivain Frédéric Beigbeder », s’exclame Yvon Dallaire. Ce qui dure deux ou trois ans, c’est la passion. L’amour se développe, ou non, quand la passion commence à diminuer. » Catherine, 42 ans, huit ans d’amour avec Luc, 51 ans, se souvient sans émotion des débuts torrides de son couple : « On ne fait plus l’amour tous les jours mais c’est quand même plus fort aujourd’hui. Même sexuellement, c’est plus profond : on est plus attachés aux câlins, à la tendresse, à l’attention à l’autre. Ce qui permet aussi de surmonter les coups durs. » 2- S’envoyer des fleurs plutôt que de la boue Car non, les couples heureux dans la durée ne vivent pas dans un océan de meringue, ponctué de cinq à sept dans une chambre cosy d’hôtel ou de virées surprises au bord de la mer. Eux aussi sont confrontés aux vacheries de la vraie vie et aux « sources de conflits insolubles », comme dit Yvon Dallaire. Elles sont au nombre de six selon lui : l’argent, l’enfant, les relations avec la belle famille, le partage des tâches ménagères, la séparation vie privée-vie professionnelle et le sexe. La différence entre un couple qui capote et l’autre qui casse la baraque ? « L’intelligence émotionnelle conjugale : ceux qui durent ne laissent pas leurs impulsions prendre le dessus sur la raison. Ni leurs sentiments négatifs supplanter les positifs » Exit donc les critiques accablantes, les définitifs « c’est de ta faute », le ![]() 3- Respecter les différences et les besoins de l’autre Autre caractéristique des couples au long cours : l’idée que leur bonheur est le fruit d’une coréalisation exigeante, où chacun s’investit à 100 % en tenant compte des différences, des besoins et des sensibilités de chacun. « Les hommes et les femmes ne cherchent pas la même chose dans le couple, explique Yvon Dallaire. Le nier est source de conflits. » Pour montrer à ses patients le fossé qui existe entre deux individus, le psy québécois utilise un échiquier censé représenter le couple. D’un côté du plateau, un jeu de dames, de l’autre, un jeu d’échecs. « Chacun est persuadé que l’autre connaît les règles de son propre jeu, mais non ! Il faut apprendre les règles de l’autre pour répondre à ses besoins essentiels », s’exclame-t-il. Et éviter ainsi moult malentendus inutiles. Catherine, 41 ans, dix ans de couple avec Pierre, a bien connu cette sensation d’avoir épousé un extraterrestre. « Au niveau sexuel, Pierre est plutôt droit au but, moi non. Il peut rentrer du boulot, me dire “bonjour, je t’aime” et me porter sur le lave-vaisselle. Au bout d’un an ou deux, je ne savais plus comment lui dire “stop ! J’ai besoin d’autre chose !” sans le froisser. Lui pensait que, comme je le désirais moins, je l’aimais moins… J’ai compris après plusieurs séances chez un thérapeute que le sexe était une de ses façons de me dire qu’il m’aime, pas de me traiter en objet. De son côté, il accepte mon besoin de romantisme. Et n’insiste plus quand je n’ai pas envie. On a arrêté d’être sur la défensive et d’écouter nos préjugés. » ![]() Et le partage égalitaire des corvées du quotidien ? Fait-il durer le couple ? Rend-il plus heureux ? « La formule donnant-donnant ne fonctionne pas. Plus on essaye de viser cette équité – je fais le ménage du lundi au mercredi, toi les autres jours, et le dimanche on le fait à deux —, plus on s’affronte au moindre dérèglement », commente Yvon Dallaire. Ce que le psy préconise : accepter un déséquilibre sur certains points, néanmoins acceptable par les deux à l’heure du bilan. Juliette, 39 ans, et Antoine, 41 ans, ont adopté depuis longtemps ce « déséquilibre équilibré ». « Il s’occupe de faire à manger et il passe plus souvent l’aspirateur que moi. Moi, je conduis et je récupère Martin à la crèche tous les soirs… Ça compense. » Mais le vrai ciment d’un couple reste avant tout… l’amitié. « Un couple qui dure, ce sont deux amis qui se font confiance, qui ont des projets à long terme et qui continuent de faire l’amour à l’occasion », analyse le thérapeute. Et de conclure : « Je ne suis pas partisan de considérer la sexualité comme le baromètre du couple. Il y a des gens qui ont des relations sexuelles incroyables mais qui passent leur vie à se chamailler et, à l’inverse, des couples très heureux avec très peu de sexualité. » Voilà qui en rassurera un très grand nombre. http://www.mariefrance.fr/equilibre/amour-et-sexe/secrets-couples-durent-399569.html |